Madame la Marquise

Tout va très bien !

 

Et tout le monde de respirer un grand coup !
Ouf, la vague brune (aussi brune que les résidus de fermentations intestinales, s’il vous plaît) n’est pas passée. Tout le monde respire un grand coup, l’on imagine bien le générique de fin s’achever sur un éclat de rire, alors que le soleil se couche au loin, laissant entrevoir une nuit d’amour, d’ivresse et de petits fours. Les noms défilent lentement, laissant entendre une musique envolée laissant penser un bal estival. Ajoutons lampions et accordéons, histoire de se les réapproprier, eux aussi.
Au retour des dardant rayons de Phébus, nous auront droit à un discours engagé, responsable, scandant haut et fort que « l’on a compris, il nous faut réfléchir à… tout en n’oubliant pas que… l’on a entendu le peuple » d’une part et « le peuple nous a choisi, véritable rejet de la politique… plébiscite… » d’autre part. Ce soir, nous, socialistes et autres « gens de gauche », comme on dit, nous frottons les mains, trop heureux d’être passés à côté de la catastrophe annoncée. De l’autre, tentant de tirer la couverture à eux, le FN-light, auto-proclamé « Les Républicains », sans nul doute pour faire écho au parti outre-Atlantique qui compte en son sein une somme incalculable de racistes, sexistes et xénophobes, ainsi qu’une pléthore de créationnistes sans âme, scande à qui veut l’entendre qu’il s’agit d’une déculottée pour le pouvoir en place.

Les deux ont, hélas, raison. Nous avons évité le pire, l’on peut souffler. Pas se satisfaire de ne pas avoir été éliminé aussi violemment que craint. L’on peut aussi voir ce soufflet comme une critique, c’en est évidemment une, de la politique gouvernementale, cacophonique, instable, néo-libérale et, depuis les attentats du mois dernier, franchement dangereuse. (et c’est un socialiste qui vous parle) A présent que les échéances sont passées, l’on va se rendormir sur ses lauriers, chacun continuant à tirer sur le gros parti opposé, comme si de rien n’était, oubliant la puanteur des vomissures morbides du parti héréditaire des anciens de l’OAS. Comme tout enfant faisant le ménage alors que ses parents n’observe pas, les déchets seront cachés sous le tapis pour ressortir plus tard. On oublie, on oubliera. On oublie toujours. Et surtout, on s’en fout.
Au milieu, entre les auto-congratulations des uns et des autres, resteront là les citoyens abstentionnistes qui, déjà blasés, s’apercevront que les excitations et affolements sont purement passagers. Qu’on ne s’intéresse à eux que lorsque les échéances sont proches.

Ne nous méprenons pas, l’excuse habituelle du « je refuse de justifier un système politique que je récuse » ne fonctionne pas, et ce surtout dans la mesure où nous avons le choix de voter pour des personnes pouvant proposer un changement, où nos pouvons enclencher le changement (par le biais de pétitions) et même nous présenter pour proposer ce changement. L’excuse ne cache qu’une paresse bien souvent intellectuelle liée à l’incapacité de bien trop nombreux citoyens de ne pas accepter l’idée que le vote politique ne s’agit en rien de désigner la personne qui nous convient intégralement, mais qu’il nous faut, aussi, accepter certaines concessions. Cela s’appelle faire des compromis. Dans un monde ultra-égocentrique, il est évident que ce modèle échoue.

Quand bien même. Si le citoyen se désintéresse du politique, c’est au politique, c’est même à LA politique d’aller au citoyen. (non, pas comme la vache va au taureau, tout de même, quoi que cela puisse être fécond, de la même manière) Mais non, l’on reste chacun entre soi, en refusant de discuter. Alors ces déçus s’entêteront dans la légitimation et la justification égocentrique de leur refus de participation à la vie citoyenne, usant de ce spectacle affligeant pour s’embourber un peu plus dans une passivité néfaste. Et laisseront le champ libre à l’extrême droite la plus nauséabonde qui soit. Et ils s’en laveront les mains comme nous nous en lavons à présent les mains, par simple effet miroir. Quoi de plus évident que des citoyens mimant leurs politiques et un monde politique à l’image de ses citoyens ?
Alors l’on se réveillera à nouveau en avril 2017, nous pousserons de nouveau des cris d’orfraie, courant çà et là comme des poules sans tête, à glapir à qui veut l’entendre que nous ignorions tout et que nous ne comprenons pas, mais comprendrons certainement une fois que les citoyens auront voté pour nous.

Mais avec un peu de chance, nous aurons changé le nom de notre parti.

Tout va très bien.